vendredi 22 janvier 2021

Le numéro 20 des Cahiers de l’unité, une expression du règne de la quantité

En parcourant les fragments mis en ligne du numéro 20 des Cahiers de l’unité, nous avons été frappé par cette phrase du compte rendu par M. Desfontaines du livre intitulé The Study Quran (sous la direction de Seyyed Hossein Nasr) souligné par nous (Coran des historiens (dir. de M. A. Amir-Moezzi et Guillaume Dye) (cahiersdelunite.com)) :

« En conclusion, nous conseillons à nos lecteurs l’étude de cet ouvrage sachant que lorsqu’il s’agit du Coran il n’y a pas de traduction définitive et que les commentaires ne sont jamais exhaustifs, la Parole divine étant par essence infinie ».

Pour un lecteur sensé être très averti comme doit l’être ou devrait l’être M. Desfontaines (pseudonyme qui évoque pourtant les meilleures sources de la connaissance), on peut s’interroger sur sa lecture de l’œuvre de René Guénon et sur cet emploi du terme « infini ».

On peut se référer aux passages de l’œuvre de René Guénon où apparaît l’expression « Parole divine » (voir l’index sur internet Index de l'oeuvre de René Guénon (index-rene-guenon.org)) et notamment :

« la Parole divine est l’« ordre » (amr) par lequel est effectuée la création, c’est-à-dire la production de la manifestation universelle, soit dans son ensemble, soit dans l’une quelconque de ses modalités » Aperçus sur l’Initiation, chapitre XLVII - « verbum, lux et vita »

« Si le Verbe est Pensée à l’intérieur et Parole à l’extérieur, et si le monde est l’effet de la Parole divine proférée à l’origine des temps, la nature entière peut être prise comme un symbole de la réalité surnaturelle. » Symboles fondamentaux de la Science sacrée, ch. II - Le Verbe et le Symbole

Lorsque l’on dit « par essence » comme le fait M. Desfontaines, on introduit une dualité comme celle de l’essence et de la substance. Si l’on ne retient qu’un des termes de la dualité on ne peut alors invoquer l’infini sauf à confondre le fini, l’indéfini et l’Infini.

Nous ne pouvons ainsi partager l’enthousiasme quantitatif de M. Gayat dans son éditorial:

« Avec ce numéro 20 de l’année 2020, ce sont environ 2 500 pages d’iconographies et de textes inédits visant à défendre et à maintenir une certaine conscience de l’esprit traditionnel tel que René Guénon l’a enseigné qui ont été proposées ». (Éditorial. Cahiers de l'Unité N° 20 | René Guénon (cahiersdelunite.com))

Nous craignions que la défense de l’œuvre de René Guénon et surtout sa compréhension ne soit pas au programme de cette revue et de ses 2500 pages déjà publiées. Les collaborateurs pourraient en produire encore quelques milliers que cela ne changerait rien à ce constat. La quantité ne fait pas la qualité…

jeudi 21 janvier 2021

Cahiers de l'unité - numéro 20

Cyrille Gayat a mis en ligne le dernier numéro des Cahiers de l’unité. Signalons avant que M. Gayat ne modifie le site qu’il y a une coquille plutôt révélatrice. Dans son éditorial il nous présente un nouveau collaborateur sous le pseudo de Benoît Gorlich. Mais si l’on se rapporte à la page incomplète du compte rendu  écrit par M. Gorlich on constate avec un peu d’amusement qu’il est signé Luc Desfontaines, souligné par nous  (La Reine et l’Avatar - Le théâtre de l’extase. Dominique Wohlschlag (cahiersdelunite.com)) :

« Le Krishnaïsme

 

          On peut donc dire que ces deux ouvrages ont pour thème commun le « Krishnaïsme », c’est-à-dire les doctrines de l’ensemble des voies spirituelles qui placent le culte de Krishna au centre de leur pratique. À ce titre, il y a à la fois un Krishnaïsme exotérique, répandu dans toute l’Inde, et des voies initiatiques qui lui correspondent. Celles-ci semblent concentrées principalement, mais pas exclusivement, au Bengale et dans la région dite de « Vraj » comprenant les villes voisines de Mathura et de Vrindavan (dans l’actuel État de l’Uttar Pradesh) qui sont respectivement les lieux de la naissance et de la jeunesse de Krishna, et qui constituent de ce fait des centres de pèlerinages majeurs de l’Hindouisme. 

        Ce courant spirituel semble encore assez méconnu en France, où il n’a fait l’objet que de très peu d’études universitaires et d’aucune étude traditionnelle complète à notre connaissance (3). Les ouvrages de Dominique Wohlschlag contribuent donc dans une certaine mesure à combler cette lacune. Ils permettent en outre de dissocier ces voies traditionnelles du fameux mouvement dit des « Hare Krishna » qui s’est répandu d’abord en Occident à partir des années 1960, puis en Inde même, en s’appuyant sur l’organisation appelée « ISKCON » (« Association internationale pour la Conscience de Krishna »). Cette organisation hétérodoxe au regard de l’Hindouisme vishnuite traditionnel est issue en réalité des courants réformistes indiens du XIXe siècle ; elle a contribué à donner une image négative de la spiritualité krishnaïte (4).

         Dans ce compte rendu, notre intention est de revenir sur certains points abordés par Dominique Wohlschlag qui appellent à notre sens quelques développements dans une perspective traditionnelle. Ces développements concernent principalement trois thèmes : la figure de Shrî Krishna et son rôle dans la tradition hindoue (I), la place de la bhakti dans les voies initiatiques destinées à l’humanité du Kali-Yuga (II), et les symboles et modalités de la réalisation spirituelle dans le Krishnaïsme (III). Sur le fond, cette étude n’est qu’un exemple des réflexions que peuvent susciter ces deux ouvrages chez un lecteur de René Guénon, et il ne fait pas de doutes qu’il y en aurait encore beaucoup d’autres à envisager.

 

I - La réadaptation cyclique de l’Hindouisme pour le Kali-Yuga

          Dans les textes de référence du Krishnaïsme, il y a de fréquentes allusions au fait que les méthodes de réalisation prescrites par les Vêda-s ne seraient plus réellement appropriées durant le Kali-Yuga, et que d’autres moyens seraient donc nécessaires pour les hommes de la fin du cycle. Krishna y est présenté comme ayant permis une double réactualisation de la tradition hindoue : à la fois quant à la transmission de la connaissance, grâce à l’épopée du Mahâbhârata qui raconte ses exploits et qui est considérée ici comme un « cinquième Vêda », et quant aux modalités de réalisation, par l’apparition de voies d’adoration, c’est-à-dire de bhakti, fondées sur son culte. Le thème de la « réadaptation » cyclique des différentes traditions est bien connu des lecteurs de René Guénon, et il nous faut expliquer ici comment il est développé dans ce courant spirituel particulier.

 

Le Sanâtana Dharma et le « cinquième Vêda »        

           

             Les lecteurs de René Guénon connaissent déjà l’expression de « cinquième Vêda », puisque c’est le titre de l’un de ses principaux articles concernant les Tantra-s, qui ont effectivement reçu cette appellation. Ce qui est moins connu, c’est qu’elle a aussi été employée en...      

Luc Desfontaines

 

 

La suite de cet article est exclusivement réservée à nos abonnés ou aux acheteurs du numéro 20 des Cahiers de l'Unité »