Influence spirituelle
Qui s’interroge sur la possibilité d’une réalisation
spirituelle doit, paradoxalement, reconnaître que ce qui « est réel »
ne saurait être l’effet d’un quelconque devenir. Totalement inconditionnée, la
réalisation spirituelle ne peut être la conséquence de quoi que ce soit.
Mais
si l’on veut envisager malgré tout un certain devenir, d’ailleurs suggéré dans
cette interrogation par l’idée de possibilité (1), c’est dans la disparition
progressive de ces illusoires limitations qui sont comme autant de voiles entre
l’être et le Principe (2) ou, pour s’exprimer autrement, entre l’individualité
et l’ « Homme universel ».
On
peut voir dans cette dernière phrase comme une sollicitation implicite à
l’énoncé des caractères fondamentaux de l’influence spirituelle qui est à la
fois témoignage du lien permanent
unissant l’Homme au Principe (3) et
puissance qui en opère la reconnaissance.
Il
convient de noter aussitôt que l’influence ne saurait à proprement parler se
substituer à l’être (4). Bien qu’elle puisse être une source d’éveil, il ne
suffit pas de recevoir une influence spirituelle pour être immédiatement
délivré. Car témoin du lien dans le Principe, l’influence spirituelle trace une
voie. Et c’est en cela que s’exprime sa puissance opérative (5).
De
même que l’on peut dire qu’à chaque être correspond un voie propre, on peut
envisager une égale diversité d’influences spirituelles non quant à leur
principe mais quant à leur caractère opératif.
Transmise
par un rite, l’influence spirituelle est, comme ce dernier, initiée (6) par une
révélation.
Elle
a ainsi sa source dans le Principe et, comme la révélation, elle vient toucher
l’être manifesté jusqu’aux limites de son individualité (7).
Transcendante,
elle est ainsi le témoin signifiant à l’homme qu’il est aussi porteur de cette
même transcendance.
Recevoir
une influence spirituelle, c’est être investi de la puissance du Tout qui est
le signe même de cette nature transcendante.
L’Esprit
ne saurait être limité : touché par son souffle, c’est toute la puissance
d’identification qui est ainsi sollicitée donnant à l’être l’intégralité d’une
présence qui peut être le ferment de sa réalisation spirituelle (8).
Toute
influence spirituelle quelque soit sa spécificité porte la marque de sa Source,
qui n’est autre que celle de l’Infini. Transcendante, elle est réalisatrice de
son infinitude.
Une influence spirituelle
détermine une voie qui n’est autre que celle qu’elle a elle-même suivie par sa
révélation. L’influence comme la révélation est une présentation de la Réalité. L’Homme est mis en présence du Principe
et donc mis en demeure de se « reconnaître » (9).
Parcourant
la voie dans sa phase descendante, celle parcourue par la révélation,
l’influence se détermine. Cette détermination définit notamment le mode
opératif qu’il conviendra de suivre pour parcourir la voie dans sa phase
ascendante (10).
Comme
la révélation, l’influence spirituelle parcourt toue l’étendu des plans
spirituel, subtil et corporel. Son caractère opératif lui donne donc cette
possibilité de produire des effets sur tous les plans soumis au devenir où
cette notion même d’effet est concevable.
Dans
sa spécificité, elle opère plus particulièrement dans le plan où elle a sa
nécessité et qui constitue à proprement parler son plan de réflexion. On ne
peut malgré tout lui contester son universalité (11), même si elle est
spécifiquement opérative sur un plan donné. Cette universalité lui permet ainsi
d’être opérative sur tous les autres plans pourvu que ce déplacement
d’influence se fasse selon l’axe même qui l’a vu naître (12).
Cette
valeur Une et totalisante fait qu’une influence spirituelle pourra toujours
porter effet dans l’intégralité des domaines ésotérique et exotérique, même si
le rite qui la transmet ne s’attache en définitive qu’à l’un de ces domaines.
Il
n’y a pas d’impossibilité de principe à voir une influence spirituelle reçue
dans un rite exotérique porter des fruits sur le plan initiatique. La
réciproque étant encore plus évidente car une influence spirituelle reçue dans
un rite initiatique présuppose, pour porter des effets, une harmonisation des
plans qui résultent du domaine exotérique.
Mais
s’il n’y a pas d’impossibilité de principe, il y a bien une quasi impossibilité
de fait correspondant à cet effet d’adéquation qui concentre l’influence au
domaine qui l’a nécessitée. Cette nécessaire adéquation permet de rendre compte
de l’existence propre des rites exotériques et initiatiques et d’une égale
distinction entre les influences véhiculées dans chacun des deux domaines.
Cette
existence propre n’est pas fortuite, pas plus que la multiplicité des
influences qui en résultent, car l’une et l’autre ne font que rendre compte de
la diversité des voies et donc des qualifications requises qui les
caractérisent.
Une
influence spirituelle spécifique, lorsqu’elle se détermine, trace une voie
particulière que ne pourront suivre que ceux qui répondent à cette même
détermination qualifiante.
S’il
n’y a pas équivalence entre la qualification requise pour rendre l’influence
reçue effective et la qualification propre à l’être qui en devient porteur,
l’influence limitera ses effets aux limites de qualification de cet être.
Ainsi, s’il n’y a pas d’impossibilité, il n’y a donc pas grand avantage à se
voir porteur d’une influence dont on ne saura canaliser les effets pour en
obtenir une réalisation (13).
Une
influence pour être opérative doit rencontrer un champ de qualification
correspondante. Mais toute influence quelque soit sa spécificité (14) portera
toujours et par surcroit en elle le germe d’une réalisation effective pour un
être pleinement qualifié.
Toute
influence peut être ainsi toujours l’objet d’une adaptation d’un domaine à un
autre ou d’un plan à un autre. La seule condition de validité pour cette
adaptation est de suivre l’axe de la révélation. Tout égarement de cette voie
rendra l’adaptation du rite totalement inopérante. On voit ainsi qu’il est plus
immédiat d’adapter une influence d’ordre initiatique au domaine exotérique
puisqu’il « suffit » d’en parcourir la voie descendante et donc de l’
« ouvrir », d’en limiter les exigences qualifiantes. Le processus
inverse ne peut être que tout à fait exceptionnel puisqu’il est extrêmement
sélectif ; il ne peut concerner que quelques « personnalités »
exceptionnels.
Le
cheminement spirituel d’un être fait qu’il devient le plus souvent porteur de
plusieurs influences spirituelles. Cette multiplicité se justifiant d’autant
plus que cet être est qualifié à parcourir tous les plans (15) qui totalisent
les deux domaines respectivement exotérique et ésotérique (16).
Cette
multiplicité n’est jamais un facteur de confusion (17), car l’Esprit procède
par une intégration synthétique (18) où tous les effets trouvent leur
harmonisation réalisatrice (19).
Eveillant
notre volonté (20) à suivre cette voie qui doit nous mener effectivement en
Dieu, l’influence est une potentialité dans l’accomplissement du destin
qualifié d’un être, une puissance providentielle qui peut faire de cet éveil
virtuel une réalisation effective où l’être transformé se reconnaît tel qu’il
n’avait jamais cessé d’être.
________________________
1.
Cette
corrélation entre le possible et le devenir doit être plus particulièrement
entendue dans ce cas précis comme répondant à cette étendu illusoire qui sépare
le virtuel de ce qui doit être conçu comme effectif.
2.
Limitations
qui correspondent aux degrés d’ignorance de l’être non effectivement réalisé.
3.
Ce
lien qui pleinement transcendé accomplit l’identification totalisante dans le
Principe.
4.
Car
si l’Esprit est de toute éternité, encore faut-il pouvoir le
« reconnaître ». Telle est la raison d’être du travail intérieur.
5.
Précision
importante : si l’influence en tant que support du cheminement spirituel
mène à l’Esprit, l’Esprit, totalement inconditionné en soi, ne saurait s’y
réduire.
6.
Au
sens étymologique où initiare
signifie « commencer ».
7.
Spécifions
que puisque toute révélation (comme tout rite) a sa source médiatrice dans la
Tradition primordiale, l’influence spirituelle peut être transmise dans le
« Silence », principe de toute révélation, c’est-à-dire si l’on peut
s’exprimer ainsi par le « rite primordial informel », principe de
tout rite. Et précisons aussi que le terme de révélation s’étend ici à toute
l’étendu hiérarchiques de degrés qu’il est susceptible de représenter.
8.
Qui
deviendra effective si celui qui le reçoit en porte la qualification. Ce
souffle l’accompagnera tout au long de son cheminement spirituel.
9.
Cette
reconnaissance effective n’étant que cette ultime intuition du Réel où
s’identifient le Connaissant et le Connu dans la Connaissance.
10. Cette
détermination porte sur tous les plans qui sont ainsi parcourus. Elle définit
ainsi des conditions spécifiques pour tous les états qu’elle influence et
notamment en ce qui concerne les états posthumes.
11. Directement lié
à son caractère transcendant, l’Esprit ne saurait être limité.
12. L’adéquat
déplacement d’influence correspond à une adaptation « verticale » qui
peut être notamment nécessitée par cette « chute » qui accompagne le
déroulement cyclique.
13. Sans
qualification spécifique, l’être reste dans le plan de la virtualité. Il n’est
bien souvent qu’un simple intermédiaire passif qui ne fait qu’aider l’influence
à maintenir sa présence au fil des générations.
14. Répétons-le,
même si sa détermination est du domaine simplement exotérique.
15. Ce terme doit
être entendu ici comme en étroite correspondance avec la nature spécifique de
l’influence qui y trouve son champ d’action. Il peut correspondre ainsi aux
différents degrés ou aux grandes stations qui jalonnent le cheminement
spirituel.
16. Cette notion de
qualification s’entend toujours par rapport à l’état humain. Car il convient de
ne pas perdre de vue que tout homme, fait à l’image de Dieu, est en Réalité
« Homme universel ». La qualification répond à cette particularité de
la voie propre qui rend la réalisation effective dans un état donné (tel l’état
humain) plutôt que dans un autre.
17. Dans l’hypothèse
où plusieurs influences concerneraient le même degré ou le même état d’être.
18. Et non
syncrétique.
19. Ceci ne doit pas
être compris comme un encouragement à multiplier les réceptions d’influences
même si l’Esprit veille et reste Un, malgré les faiblesses et l’ignorance des
êtres.
20.
Cette
volonté qui permet à l’être d’opérer ce travail intérieur qui prépare sa
libération.