mardi 30 octobre 2018

MuHaMMaD et le nombre π

Orientalisme soufi
MuHaMMaD et le nombre π

Comme l’indique l’éditorial internet de la revue:
« Science sacrée est une revue d’études traditionnelles réservée à toutes les expressions de la tradition perpétuelle et unanime. Placée sous l’égide de l’enseignement de René Guénon, elle suit également les prolongements doctrinaux et les applications de l’œuvre guénonienne selon l’orientation spirituelle de Michel Vâlsan (Cheikh Mustafa ‘Abd-al-’Azîz en Islam), le fondateur reconnu des études en Occident sur Muhy-d-dîn Ibn ‘Arabî, le plus grand Maître de l’ésotérisme islamique. » (http://www.sciencesacree.com/carnet/articles-divers/)
Rappelons que Ibn ‘Arabî a vu le jour en Espagne et donc en Occident. Michel Vâlsan apparaît donc plutôt comme un fondateur des études francophones sur Ibn ‘Arabî en Occident. On aura soin de se reporter à ce que René Guénon écrivait concernant Dante et Ibn ‘Arabî dans Le Roi du Monde.
Cet éditorial indique également que :
« Fondée en 2001 par Muhammad Vâlsan, Science sacrée reprend son activité éditoriale, selon de nouvelles modalités, en cette date du 16 février 2011, correspondant au Mawlid an-Nabî 1432, dix ans après sa première publication. Souhaitant une meilleure diffusion, elle fait aujourd’hui appel au support internet… »
Notre attention se portera sur la reproduction de deux articles de son fondateur. Il s’agit respectivement du texte portant le titre : À l'Échelle de la prière en Islam et du texte intitulé : L'Emir et le droit humanitaire.
Dans le premier texte l’auteur s’attache à développer diverses considérations sur le terme mi’râj qu’il traduit en français par le mot échelle. Il est amené à déclarer :
« L’idée d’“échelle” induit celle de “mesure”. Cela nous amène à analyser la valeur numérique 314 du mot qui la désigne en arabe. Ce nombre est l’expression non décimale du rapport constant qui unit le diamètre d’un cercle à sa circonférence appelé Π (Pi). Noté arithmétiquement aujourd’hui sous la forme approximative 3,14, il fait partie des nombres qualifiés d’irrationnels. Le Coran, qui révèle toutes les sciences, informe que lors du Mi‘râj le Prophète r arriva à « la distance de deux arcs ou plus près (qâba qawsayn aw adnâ)». La formule employée s’avère étonnamment technique, mais en terme géométrique cette fois. Les deux arcs peuvent être interprétés comme les deux demi-cercles permettant, grâce au rapport de l’échelle 314, l’accès à proximité du centre, “ou plus près”, à savoir au centre même. »
En note l’auteur reproduit le calcul qui permet d’obtenir 314 à partir du mot mi’râj:
 « Mi‘râj = M + ‘ + r + a + j = 40 + 70 + 200 + 1 + 3 = 314. »
Contrairement à ce que déclare l’auteur le nombre 314 n’est pas l’expression non décimale du nombre π (Pi). Aucun nombre que l’on nomme entier ne peut être l’expression du nombre π. On peut par contre dire que ce nombre 314 ou le nombre 3,14 sont des expressions approximatives du nombre π.
Pour bien se faire comprendre on peut dire que 314 est l’expression exact du nombre 314, mais que par exemple 315 est une expression approximative du nombre 314. L’approximation à une unité près est tout à fait acceptable pour quelqu’un par exemple qui juge qu’il est plus simple mentalement de faire des calculs avec des multiples de 5. Mais bien évidemment 314 n’est pas 315. Et donc le nombre π ne correspond ni à 3,14 ni à 314. Pour être exact π est égal à 3,14 (ou à 314) plus un petit quelque chose que nous nommerons x. Ainsi de façon exact on peut écrire que π = 3,14 + x. On remarque immédiatement que cette quantité x est égale à π moins 3,14. On peut donc écrire de façon parfaitement exacte que  π = 3,14 + (π – 3,14) ou si l’on préfère ne pas employer des décimales π = 314 + (π – 314).
Le nombre π est en effet nommé en mathématique moderne « nombre irrationnel ». Rappelons qu’un nombre est qualifié de rationnel lorsqu’il n’est pas entier mais que l’on peut malgré tout le représenter par le rapport entre deux nombres entiers. Ainsi la fraction 2/3 est un nombre rationnel. Un nombre irrationnel sera donc un nombre qui ne peut être ni représenté par un nombre entier ni par un nombre rationnel comme le nombre π ou pour prendre un autre exemple le nombre qui multiplié par lui-même donne le nombre 2 c’est-à-dire ce que l’on nomme racine de 2 (√2). Un nombre irrationnel n’est pas un nombre fou. C’est un nombre parfaitement compris mais qui ne peut pas être représenté de façon simple pour cela on le représente par un symbole profane.
Dans l’extrait que nous avons reproduit Muhammad Valsân commente un verset du Coran. Mais comme nous venons de le voir ce que l’auteur nomme « Echelle 314 » ne peut en aucune façon être nommé « Echelle π ». Il est donc impossible d’obtenir avec cette « Echelle 314 » des demi-cercles. Seul le nombre π permet de produire un cercle ou des demi-cercles à partir d’un centre. Son commentaire est donc proprement erroné. D’ailleurs le verset du Coran parle d’arcs, donc de fragments d’une courbe dont la définition n’est pas précisée ; Cela pourrait être un fragment d’une ellipse ou d’une spirale ou de toute autre courbe plus complexe.
 Curieusement l’auteur dans la suite de son texte reconnaît cette inexactitude mais la justifie de façon peu convaincante et même contradictoire:
« Le fait que le nombre 314 soit une approximation employée sous couvert de termes coraniques se justifie par la doctrine islamique qui, n’envisageant pas de formuler une quelconque identité avec Dieu, préfère évoquer une proximité immédiate avec Lui. Cette proximité est annoncée comme la plus grande dans la prosternation au moment où le point de jonction des deux arcs des sourcils touche le sol. De même, le nombre 3,14 ne permet qu’une approche du rapport exact exprimé par Π. Un célèbre hadith qudsî  laisse entendre que l’identification avec les Attributs divins est toutefois possible à condition d’être opérée par l’Amour divin lui-même. Il est dit en effet : « Mon serviteur ne cesse de se rapprocher de Moi par les œuvres surérogatoires (an-nawâfil) jusqu’à ce que Je l’aime et quand Je l’aime, Je suis son ouïe par laquelle il entend, son regard par lequel il voit et sa main par laquelle il saisit… ». Il nous faudra une autre occasion pour parler du nombre 314 dans le Coran. Nous nous contenterons d’ajouter pour cette fois qu’il constitue la somme arithmétique des lettres complètes de Muhammad, ce qui confère au Prophète r la fonction d’intermédiaire céleste dont l’Echelle est l’un des symboles principaux. »
Voyons donc ce que l’auteur déclare dans le second texte correspondant à « cette autre occasion » :
« Sans entrer dans trop de détails, nous rappellerons qu’il existe un alphabet arabe traditionnel nommé abjad qui classe les 28 lettres arabes en fonction de leur valeur numérique respective, lettres qui correspondent, soit dit en passant, non seulement aux 28 mansions lunaires du mois arabe, mais également aux 28 phalanges des deux mains. René Guénon (1886-1951), qui fut en Islam le Cheikh ‘Abd al-Wâhid Yahyâ, a donné un premier aperçu indispensable des potentialités de cet abjad, en 1938, dans la revue Etudes traditionnelles qu’il dirigea jusqu’à sa disparition. Pour sa part, dans son livre Dhikrâ al-‘âqil wa tanbîh al-ghâfil, “Mémento pour le sagace et avertissement pour l’insouciant”, qu’il adressa aux Français en mai 1855 et qui fut, de ce fait, rebaptisé Lettre aux Français, l’Emir fit une présentation de cet alphabet. Mais c’est toutefois dans un autre ouvrage, rédigé quant à lui en 1849 pendant sa détention à Amboise, qu’il en a fait un usage instructif à bien des égards. L’écrit en question est intitulé Mudhakkirât al-Amîr ‘Abd Al-Qâdir et n’a été publié que récemment à Alger : en 2010. A la page 99 de l’édition, l’Emir décompose les lettres du nom MuHaMMaD pour en tirer les valeurs numériques dites “développées”. Pour cela, ainsi qu’il est d’usage en la matière, il prend chaque lettre écrite du nom en question en tenant compte du signe de redoublement (shaddah) affectant le second mîm. Il obtient de la sorte les cinq lettres mîm-hâ’-mîm-mîm-dâl dont la somme des valeurs numériques donne : (40 + 10 + 40) + (8 + 1) + (40 + 10 + 40) + (40 + 10 + 40) + (4 + 1 + 30) = 314. Nous nous sommes largement expliqués ailleurs sur la symbolique du nombre 314 en tant qu’expression arithmétique du rapport géométrique désigné par la lettre grecque Π (Pi). Ce rapport étant irrationnel, et dans notre optique plutôt supra-rationnel, sa valeur numérique reste nécessairement approximative et se trouve rendue, dans les données traditionnelles qui n’utilisent pas de décimales, par le nombre entier communément noté en trois chiffres : 314. »
Comme nous venons de le dire 314 n’est pas l’expression arithmétique du nombre π  et par conséquent la valeur numérique du nom Muhammad n’a rien à voir avec le nombre π. On ne peut penser un seul instant qu’une correspondance entre le nom du Prophète et le nombre  π ne puisse être qu’approximative. Ou cette correspondance existe (et alors le nombre de son nom « développé » n’a rien à y faire) ou elle n’existe pas mais elle ne peut pas être dans le vague, dans l’inprécision. Le fait que le nombre  π  soit désigné comme «  nombre irrationnel » ne veut pas dire que le rapport qu’il représente soit irrationnel. Cette opposition entre irrationnel et supra-rationnel est totalement inopportune. On ne peut penser que de véritables données traditionnelles confondent le nombre π  avec le nombre 314. C’est la marque de la science moderne d’être approximative et donc d’être fausse. Les sciences traditionnelles sont par contre des sciences exactes. Le monde moderne qui se complait dans l’à-peu-près a même inventé des « calculs d’incertitude », l’exactitude, la Vérité ne l’intéresse pas. Avant même que l’Islam soit une tradition, le monde antique avait parfaitement connaissance que le nombre π ne pouvait être représenté par un nombre entier. Archimède avait même brillamment établi que ce nombre pouvait être circonscrit entre deux nombres « rationnels » en étant  inférieur à 22/7  et supérieur à 220/71. Contrairement à ce que dit l’auteur la valeur numérique du rapport de la circonférence au diamètre d’un cercle est parfaitement exact et non approximative. Cette valeur est justement égale à π. C’est uniquement sa représentation avec des chiffres qui est difficile puisse qu’elle demande le développement indéfini des décimales. Ce qui n’est pas une impossibilité puisque ce développement est malgré tout fini.
Mais voyons comment l’auteur poursuit sa démonstration :
« Nous donnerons un exemple d’une telle occurrence qui va nous permettre de comprendre qu’une relation spéciale existe entre les noms ‘Abd al-Qâdir et Muhammad. Dans la formule coranique mainte fois répétée disant qu’Allah est « sur toute chose Très-Puissant » : ‘alâ KuLli ShaY’in QaDÎR, les trois derniers mots recouvrent des nombres extrêmement parlants. En valeur simple et non plus développée, c’est-à-dire au premier degré, les deux lettres constitutives de KuLl (“toute”) donnent 20 + 30 = 50, tandis que les deux de ShaY’ (“chose”) donnent 300 + 10 = 310. L’addition des deux nombres permet d’obtenir la valeur 360. En ce qui concerne QaDÎR, la somme des quatre lettres donne 100 + 4 + 10 + 200 = 314. On peut constater, dès l’abord, l’identité numérique de Muhammad et de Qadîr et en déduire que le premier étant la couverture du second, il ne l’exprime qu’au deuxième degré. On en déduit encore que la “Main d’Allâh” et la fonction du Prophète ﷺ étant assimilables, comme en apporta la preuve l’épisode du Pacte d’allégeance de Hudaybiyah, l’une ou l’autre étaient susceptibles d’agir au mieux, et même très directement, sous couvert du nom ‘Abd al-Qâdir. »
Après avoir mis en évidence les correspondances numériques des expressions choisies, l’auteur indique : 
« Il nous reste à analyser à présent ce qui unit “toute chose” au “Très-Puissant”, autant dire ce qui relie 360 à 314. C’est ici que le rapport géométrique Π intervient. C’est en effet par son intermédiaire qu’il est possible d’obtenir le diamètre à partir de la circonférence ou l’inverse, or, dans notre exemple, la circonférence est symbolisée numériquement par les 360 degrés du cercle. Ainsi Qadîr est-il l’agent de la puissance mesurée et déterminante Π qui permet à toute chose comprise dans l’Unité principielle d’être manifestée dans le cycle des 360 degrés de l’existence ou, a contrario, d’être réintégrée dans cette Unité. Dans le domaine du Tasawwuf, il existe trois notions fondamentales qui illustrent parfaitement l’opération rendue possible par le rapport envisagé : il s’agit de la Sharî‘ah, de la Tarîqah et de la Haqîqah : la première est comme son nom l’indique la “Grande Voie”, celle de la Loi religieuse extérieure, qui est conçue pour être suivie par tous ; la deuxième est, étymologiquement toujours, la “Voie Etroite” qui ne peut être suivie que par un petit nombre ; et la troisième est la “Vérité” qui, lorsqu’elle est réalisée, donne accès à l’état de l’Homme Universel (al-Insân al-Kâmil). Dans un article intitulé « L’Ecorce et le Noyau », René Guénon relie la Sharî‘ah à la circonférence d’un cercle, la Tarîqah à son rayon et la Haqîqah à son point central. C’est en effet de cette façon qu’il est enseigné dans l’ésotérisme islamique que, partant de la circonférence de la Sharî‘ah, l’initié doit parcourir le demi-diamètre de la Tarîqah pour parvenir au centre de la Haqîqah. Nous conclurons sur ce point en faisant observer que ce que nous pouvons appeler la fonction 314 caractérise l’intermédiaire autorisant un passage de la puissance” à l’“acte” ou, inversement, une réintégration du manifesté au non manifesté. Revêtue du nom Muhammad, elle s’affirme particulièrement dans un rôle de “médiation” (wasîlah) et “d’intercession” (shafâ‘ah). »
L’auteur continue à confondre le nombre 314 avec le nombre π et il introduit une nouvelle confusion cette fois avec le nombre 360. Cette équivalence entre les lettres et les nombres ne concerne que les nombres entiers. Elle ne peut aboutir à la mise en évidence de nombre rationnel ou irrationnel. Il s’agit bien de nombre et non de quantité. Il est ainsi totalement déplacé d’introduire des unités de mesure comme la coudée ou le degré d’angle. Le passage du nombre 360 à la quantité de « 360 degrés » n’est plus une application de cette science des nombres. L’auteur commet d’ailleurs un autre excès en semblant restreindre la quantité des 360 degrés à la notion du cercle. Pour ne donner qu’un exemple parmi une indéfinité d’autres exemples, la somme des quatre angles d’un carré ou d’un rectangle nous donne également cette valeur de 360 degrés (4 fois 90 degrés). Ce rapprochement entre les nombres 314 et 360 ne peut vraiment pas nous mener à la notion de cercle puisque le nombre 314 n’est pas le nombre π et que le nombre 360  ne doit pas être assimilé à une quantité de degrés. Si les nombres en base 10 s’appliquent plus particulièrement à la mesure de la Terre, ceux en base 12 s’appliquent pour la mesure des mouvements du  Ciel (angles avec 360) et notamment du temps (24 heures, 60 minutes, etc.) L’auteur fait d’autre part une curieuse assimilation entre degré d’angle et degré d’existence qui paraît non fondée puisque les équivalences numériques ne sont pas justifiées. Sa « fonction 314 » n’établit une correspondance qu’entre les termes dont le nombre est 314 (comme Mi’râj ; Muhammad, Qadîr) mais pas avec ceux qui ont pour nombre 360.  L’auteur a bien fait de citer René Guénon toujours si clair et si juste, nous ne pouvons que l’encourager à en suivre la rigueur. Nous ne ferons que signaler enfin cette autre impossibilité. L’auteur écrit un peu plus loin:
« Or le grand Prophète-législateur juif reçut quant à lui les Tables de la Loi sur le mont Sinaï. Il est même dit à ce propos que, pour y accéder, la communauté des fils d’Israël partit du désert de Sîn. Le mont en question, qui est identifié à l’Horeb en hébreu, est désigné par divers noms également dans le Coran. L’un d’eux est SaYNÂ dont le nombre est 300 + 10 + 50 + 1 = 361, ce qui s’interprète comme une expression numérique additionnant la circonférence et le centre du cercle. La circonférence autour du point central symbolise le corps enveloppant le cœur et “l’esprit” (al-rûh) puisque, suivant la tradition, c’est dans le cœur que siège l’esprit, le cerveau étant le mirador de son vizir “l’intellect (al-‘aql)”. Dans cette optique c’est la lettre Yâ’ située au sein même du Sîn qui tient lieu du cœur. »
Ce nombre 361 ne peut correspondre à l’addition de la circonférence et du centre du cercle. L’auteur considère en effet que le nombre 360 est en degrés. Si le centre peut correspondre au nombre 1, l’addition de cette unité avec les 360 degrés est impossible. On ne peut pas additionner cette unité sauf à la considérer aussi comme valant 1 degré ce qui est absurde.

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